Le cancer de l’endomètre peut être anticipé – et les données multirégionales peuvent aider à identifier les risques
Le cancer de l’endomètre est le cancer gynécologique le plus fréquent au Canada. S’il est détecté à un stade précoce, avant que le cancer ne se métastase, les taux de survie pour le cancer de l’endomètre sont excellents. Le problème, selon Aline Talhouk, professeure adjointe au département d’obstétrique et de gynécologie de l’université de Colombie-Britannique, est que même si les interventions de prévention sont efficaces, elles peuvent ne pas être rentables au niveau de la population. Il n’existe actuellement aucune recommandation en matière de prévention ou de dépistage du cancer de l’endomètre.
“Le cancer de l’endomètre est pratiquement guérissable lorsqu’il est détecté tôt, mais les interventions de détection et de prévention sont coûteuses et invasives, et les retards de diagnostic ont un impact significatif sur les taux de survie”, a déclaré Aline, qui est également directeur de la science des données et de l’informatique à OVCARE, le programme de recherche sur le cancer de l’ovaire et le cancer gynécologique de la Colombie-Britannique. C’est pourquoi son étude sur les risques de cancer de l’endomètre vise à évaluer et à améliorer les modèles de prédiction des risques afin de mieux identifier les personnes à haut risque, garantissant ainsi un accès plus direct au dépistage et aux soins préventifs.
Il était important d’utiliser des données multirégionales car nous voulions que les modèles de risque puissent être généralisés au-delà de la population sur laquelle ils avaient été initialement construits. ~ Aline Talhouk
Scientifique de l’apprentissage automatique et statisticienne de formation, Aline estime que les modèles de risque sont importants parce qu’ils permettent d’identifier les populations qui pourraient être orientées vers des interventions de prévention ou de dépistage précoce. Les interventions de détection précoce comprennent des éléments tels que les biopsies de l’endomètre, qui ne sont actuellement recommandées que pour les personnes atteintes de cancers héréditaires en raison de leur risque plus élevé. Les modèles de prédiction des risques peuvent fournir un moyen plus complet d’identifier les personnes présentant un risque élevé en fonction d’un certain nombre de facteurs supplémentaires.
La première phase du projet d’Aline s’est concentrée sur l’évaluation des modèles existants de prédiction des risques pour la population canadienne, ce qui n’avait jamais été fait auparavant. À partir de cette base, l’équipe de recherche entend développer ces modèles en y intégrant des facteurs supplémentaires tels que le risque génétique, l’identité sexuelle, les implications environnementales et le statut socio-économique. Elle souhaite en particulier élaborer un modèle qui tienne mieux compte de l’évolution du risque de cancer de l’endomètre au fil du temps. “Les modèles existants ne s’intéressent qu’à des moments précis, alors qu’il peut se passer beaucoup de choses entre-temps qui peuvent augmenter ou diminuer le risque, comme l’utilisation d’un dispositif intra-utérin hormonal (DIU) par une personne”, a déclaré Aline.
L’équipe de recherche a choisi d’utiliser les données liées du Partenariat canadien pour la santé de demain (CanPath), la plus grande étude démographique du Canada qui recueille des données auprès de plus de 300 000 Canadien-nes sur la santé, le mode de vie, l’environnement et le comportement. Les participante-s répondent à des questions qui mesurent de nombreux facteurs de risque du cancer de l’endomètre, ce qui fait des données de CanPath une riche source d’informations pour les recherches d’Aline. Toutefois, pour évaluer pleinement les modèles de prédiction du risque, il était essentiel de relier ces données aux registres du cancer dans tout le pays.
Le couplage des données a été facilité par le Guichet de soutien à l’accès aux données (GSAD) du RRDS Canada, un portail de services d’accès aux données à guichet unique pour les chercheurs qui ont besoin de données administratives multirégionales sur la santé au Canada. L’étude sur les risques de cancer de l’endomètre d’Aline a été l’un des premiers projets à bénéficier du soutien à la coordination du GSAD pour relier les données CanPath à des ensembles de données administratives multirégionales dans trois provinces. “Il était important d’utiliser des données multirégionales car nous voulions que les modèles de risque puissent être généralisés au-delà de la population sur laquelle ils avaient été initialement construits”, explique-t-elle.
L’équipe du GSAD a aidé à déterminer quels types d’accès aux données seraient réalisables en réunissant des représentants des centres de données des différentes provinces, en coordonnant une demande unique d’accès aux données et en aidant à faire avancer le projet. “C’était vraiment bien que tout le monde soit là en même temps pour expliquer exactement ce qui était disponible dans chaque province. Certaines provinces n’avaient enregistré que quelques cas de cancer de l’endomètre, et cela ne valait donc pas la peine de passer par le processus d’accès à ces données”, explique Aline.
Le Canada étant un pays très vaste aux caractéristiques démographiques variées, les études utilisant des données multi régionales sont importantes pour développer des modèles généralisés et utilisables dans tous les systèmes de soins de santé. Selon Aline, les données multirégionales permettent également aux chercheurs d’avoir accès à des échantillons de taille plus importante que dans une seule province, ainsi qu’à des données démographiques variées, ce qui peut améliorer l’équité en matière de santé.
“En fin de compte, nous voulons nous assurer que tout le monde puisse bénéficier de nos résultats, et pas seulement les habitant-e-s d’une région, et nous voulons donc essayer d’utiliser les données d’un large éventail de personnes. L’inclusion de vos données dans la recherche est une question d’équité”.
Une fois que l’étude aura fini d’évaluer les modèles existants de prédiction du risque de cancer de l’endomètre, Aline soumettra une nouvelle demande d’accès aux données génotypiques. La phase suivante de l’analyse intégrera des facteurs que les modèles actuels n’ont pas pris en compte, comme le sexe et le genre, les variables environnementales et le statut socio-économique. “Ce sont des éléments que personne n’avait encore examinés dans le contexte de la modélisation de la prédiction des risques. Ce que nous espérons vraiment faire, c’est travailler à un modèle plus dynamique qui tienne compte de l’évolution du risque de cancer de l’endomètre au cours de la vie d’une personne”.